Après la Cour des comptes, les enjeux du financement du déficit budgétaire au Sénégal (Par Balla Khouma)

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Le récent rapport d’audit de la Cour des Comptes, qui révèle un déficit budgétaire de 12,30% et un ratio de la dette représentant 99,67% du PIB, met en lumière des préoccupations majeures pour les finances publiques du Sénégal. Bien que la méthodologie employée dans ce rapport puisse susciter un débat scientifique parmi les économistes, il demeure incontestable que des réformes urgentes s’imposent pour garantir un avenir économique stable et prospère.

Avant tout, il est impératif de réviser le référentiel Sénégal 2050, qui repose sur des données de la dette publique désormais biaisées, qui ne reflètent point la réalité économique du Sénégal. Ce document vise à transformer l’économie sénégalaise de manière systémique dans un horizon de 25 ans. Si ces données de référence ne reflètent pas la situation économique actuelle, le Sénégal risque de perdre encore un quart de siècle sans être en mesure de dynamiser son économie, de créer plus d’emplois et de richesse nécessaires pour améliorer de manière substantielle les conditions de vie des populations. Par ailleurs, notons que le financement du déficit budgétaire devient un enjeu cruciale, tant pour la stabilité économique à court terme que pour la trajectoire de croissance à long terme du pays. Plusieurs leviers sont à la disposition des nouvelles autorités sénégalaises pour gérer cette situation : augmenter les recettes fiscales, recourir à l’emprunt, optimiser les dépenses publiques et solliciter l’aide internationale.

Toutefois, chaque leviers comporte des inconvénients économiques et sociaux, ce qui fait qu’ils nécessitent une mise en œuvre réfléchie, alliant modération, efficacité et efficience.

Augmentation des recettes fiscales

L’augmentation des recettes fiscales demeure l’un des leviers les plus durables à long terme. Cela implique non seulement une hausse des taux d’imposition, mais aussi un élargissement de l’assiette fiscale, notamment par l’amélioration de la collecte des impôts et la réduction de l’évasion fiscale. La réussite de cette stratégie dépend de la modernisation de l’administration fiscale et du renforcement de la bonne gouvernance. Bien que des progrès aient été réalisés dans la collecte des impôts par les anciens régimes, des défis demeurent, notamment dans le secteur informel, qui représente une part importante de l’économie sénégalaise. Cependant, si cette approche n’est pas mise en œuvre de manière prudente, elle pourrait entraîner des conséquences économiques négatives, telles que la réduction de la consommation, de l’épargne et de l’investissement, ainsi que la baisse de la compétitivité des entreprises, voire leur délocalisation et donc une perte d’emploi pour la population.

Endettement public

Un autre levier fréquemment utilisé pour financer le déficit est l’endettement public, qui consiste à emprunter sur les marchés financiers internationaux, soit par l’émission d’obligations, soit par des prêts bilatéraux ou multilatéraux. Bien que cette solution offre un financement rapide à court terme, elle présente des risques considérables, en particulier pour les pays en développement comme le Sénégal. L’accumulation de la dette publique peut entraîner une charge d’intérêts élevée et accroître la vulnérabilité notamment en cas de crise financière. Un endettement excessif expose le pays à des risques d’insoutenabilité de la dette, comme l’effet boule de neige, ce qui peut compromettre la stabilité économique et freiner la croissance à long terme.

Rationalisation des dépenses publiques

Outre l’endettement et l’augmentation des recettes fiscales, l’optimisation des dépenses publiques est essentielle pour maîtriser le déficit budgétaire. Cela passe par une rationalisation des dépenses, la lutte contre le gaspillage et l’amélioration de l’efficacité de l’administration publique. Le Sénégal a déjà entrepris des réformes visant à mieux cibler les dépenses sociales et à garantir que les investissements publics soutiennent véritablement la croissance et le développement. Toutefois, ces réformes se heurtent souvent à des obstacles institutionnels et à une gestion inefficace des fonds, ce qui nécessite un renforcement des capacités administratives pour en maximiser l’impact. Si ces réformes incluent une réduction des effectifs de l’administration, une baisse des salaires ou la suppression de certaines subventions, elles risquent de nuire à l’économie. Par exemple, une réduction des effectifs peut diminuer le pouvoir d’achat, ralentir la consommation et freiner la productivité économique. La baisse des salaires peut affecter la productivité et accroître les tensions sociales, tandis que la suppression des subventions sur les produits de première nécessité peut provoquer une hausse des prix, aggravant l’inflation et affectant les ménages vulnérables. Ces mesures peuvent ainsi réduire la consommation, nuire à la compétitivité des entreprises et accentuer les inégalités sociales.

En conclusion, bien que le Sénégal dispose de plusieurs leviers pour financer son déficit budgétaire, chaque option présente des avantages et des risques. La combinaison de ces stratégies, avec une attention particulière à la modernisation de l’administration et du service public, une gestion rigoureuse de la dette, l’optimisation des dépenses publiques et un usage réfléchi de l’aide internationale, est essentielle pour assurer une stabilité budgétaire durable et garantir un avenir économique prospère pour le Sénégal.

Vive la république !!! Que dieu bénisse le Sénégal !!!

Balla KHOUMA, Docteur en Sciences Economiques, Statisticien Economiste

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