L’importance d’une prise en charge psychologique précoce après un événement tragique (Par Dr Babacar FALL et Dr Massale TANDJIGORA)

L’accident de la circulation survenu à Kolda, causant la mort de deux personnes et faisant plusieurs blessés graves, constitue un événement potentiellement traumatique d’une intensité extrême, tant pour les victimes directes que pour les témoins et les proches. Ce type de drame, de plus en plus fréquent, confronte brutalement les individus à la réalité de la mort, bouleverse leur sentiment d’invulnérabilité, et génère une détresse psychique intense — frayeur, impuissance, sidération.
Dans ce contexte, l’enjeu de santé publique que représentent les séquelles psychologiques des accidents de la route ne peut être sous-estimé. Selon l’OMS, jusqu’à 50 % des blessés graves développent un trouble de stress post-traumatique (TSPT), tandis que 20 % des témoins directs (oui les témoins peuvent aussi sont concernés) peuvent également en être atteints. En Afrique, des études récentes montrent une prévalence alarmante de la dépression et des troubles anxieux chez les survivants.
La prise en charge psychologique précoce est un levier essentiel de prévention du TSPT. Elle doit débuter dès les premières heures, sur les lieux de l’accident et dans les structures d’urgence, par une écoute bienveillante, la reconnaissance du statut de victime, et le respect du rythme individuel. Dans les jours qui suivent, un débriefing psychologique, l’information sur les réactions normales au stress, et l’orientation vers des professionnels sont indispensables pour limiter la persistance des symptômes et éviter une chronicisation du traumatisme.
Sans intervention adaptée, les personnes exposées risquent de développer des manifestations graves : syndrome de répétition (flashbacks, cauchemars), conduites d’évitement, hypervigilance, troubles du sommeil, isolement social, voire conduites suicidaires. Ces séquelles invisibles altèrent profondément la qualité de vie, entravent la reprise des activités quotidiennes et désorganisent les dynamiques familiales et professionnelles.
Face à l’ampleur humaine de la tragédie de Kolda, la mobilisation des autorités sanitaires et des équipes de prise en charge doit inclure un volet psychologique systématique : dépistage, suivi, soutien, orientation. La souffrance psychique est réelle, fréquente, et trop souvent négligée. Sa reconnaissance est une étape indispensable vers la reconstruction des victimes.
Il est crucial que les autorités éducatives et sanitaires collaborent sans délai pour apporter cette aide psychologique. La santé mentale ne doit pas être le parent pauvre de nos réponses aux catastrophes. Ce drame doit être un électrochoc pour renforcer les dispositifs de prise en charge psychologique en contexte scolaire et lors des urgences collectives.
Sauver les vies, c’est aussi protéger les esprits. Que cette tragédie ne soit pas seulement une douleur, mais aussi un appel à mieux accompagner l’humain dans sa souffrance invisible.
Nous présentons nos plus sincères condoléances aux familles éplorées.
Docteur Babacar FALL et Docteur Massale TANDJIGORA